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vendredi 19 novembre 2010

On ne dira pas qu’ils venaient d’ailleurs

Tant que c’était les forces de l’ordre de nos casernes, indisciplinées et sans formation aucune, qui canardaient une population rebelle à la discipline militaire, ou fauchaient par balles perdues quelques corps efflanqués errant dans les rues, nous trouvions toujours des raisons de supporter la dictature. Nous nous résignions à attendre que vînt un jour le temps des roses.
Tant qu’on assimilait ici et là des détrousseurs nocturnes de nos maigres bourses, pitance du jour, à des voleurs armés par la police, chacun de nous s’était muni d’un instrument tranchant ou d’une machette de fortune pour se défendre bec et ongles, avant de céder ou de succomber. Nous déplorions des cas isolés de vies inanimées dans nos cités, que nous nous empressions d’enterrer en nous abandonnant à la justice divine.
Tant que c’était des bandits de grand chemin et autres coupeurs de route qui annexaient des portions de terre du territoire, nous plaignions tout simplement les victimes imprudentes qui s’aventuraient avec trop de risques dans ces zones de non droit, un instant délaissées par une administration en faillite.
Tant que c’était des querelles meurtrières entre bandes rivales, dans nos quartiers conquis par des dealers et marchands de plaisirs nocturnes, nous parvenions à esquiver des coups fatals et à fermer les yeux sur leurs exactions.
Mais cette fois-ci, ce sont des minorités extrémistes, mues par une dérive sectaire et politique, qui tuent au Fouta, après avoir nettoyé Bambéto et alentours, encouragés par le silence complice de nos indispensables institutions guinéennes de défenses de nos droits. Elles brûlent, pillent et détruisent le reste de nos maigres biens matériels, bastonnent et assomment les traîtres indexés.

C’est au Fouta, en effet, jusqu’ici épargné par la violence meurtrière, que les barbares viennent d’exécuter ces forfaits, à Pita et à Labé (pour l’instant !), sans amertume aucune, mais enivrés en plus du bonheur d’avoir déversé un liquide malsain dans les entrailles innocentes de filles pubères. Des fanatiques du coin, qui rêvent d’un retour à un ordre théocratique, échappés sûrement d’un zoo, qui font payer leurs échecs à leurs propres parents, des voisins de toujours, des amis qui ne réfléchissent pas comme eux et ne suivent pas la consigne édictée par les gourous.
On a oublié que l’esprit bien pensant des Guinéens est de rassembler et non de soustraire, pour reprendre une formule qui était chère à Siradiou Diallo, qui conseillait à tous, dans son parti, de ne rejeter personne, même pas l’ennemi.
Tout au long de l’histoire récente de cinquante ans de la Guinée, qui se voulait un modèle, mais tout aussi sanglante et condamnable, c’est en vase clos qu’on avait toujours éliminé les opposants, torturé des coupables, par des spécialistes formés à cette tâche déshumanisante. Cela ne relevait pas du bon vouloir de chacun, mais d’une organisation étatique, planifiée, tout de même machiavélique, qui visait toutes les têtes fortes. C’était, à chaque étape, par la volonté du maître au pouvoir et de ses sbires du moment.
Mais en ce moment-ci où on s’apprête à tourner la page, pas une once de pudeur ne retient certains. On a mis bas aux orties les convenances, nos croyances religieuses du respect de la vie. A moins que… En tout cas, on a fait dans la transparence insupportable : on a livré à nos visions effarouchées et horrifiées le secret traumatisant des exécutions que nous ne pensions pas s’étendre dans nos campagnes. Conakry leur ravissait la vedette.
Mais c’est au Fouta que ce sont découverts les véritables auteurs des massacres de Conakry, de Hamdallaye, de Bambéto, de Koloma, etc. Impensable ! On ne dira plus que les tueurs des habitants de ces agglomérations venaient d’ailleurs. Ce sont bien les minorités extrémistes qui tuent les habitants de la Moyenne Guinée, qu’ils prétendent regrouper et à qui elles promettent un bonheur illusoire. Pire, elles s’isoleraient du reste du pays à défaut de le gouverner, profèrent-elles, menaçantes. Ces gens-là sont des perdants, qui ne croient plus en leur avenir individuel, qui n’ont plus confiance parce qu’ils ont un projet funeste en tête.
Mais, n’en doutons pas, la grande majorité, silencieuse du Fouta, sait relever dignement la tête et refuser de suivre les va-t-en-guerres. Ils seront toujours aux côtés de leurs frères et sœurs de toutes les régions de notre Guinée commune, unie et indivisible. Dans cette épreuve difficile que traverse le pays, il n’y aura pas de perdants, il n’y aura que des gagnants, tous Guinéens épris de justice et de paix.
Le Fouta ne se fera pas massacrer par des individus sans foi ni loi. Conakry ne mourra pas de crimes et d’impunités. Nos régions ne s’extermineront pas de régionalisme et de xénophobie. Nous continuerons de vivre ensemble comme il en a toujours été dans nos contrées. La Guinée vivra, harmonieusement, vaille que vaille, de sa belle et paisible entité multiethnique, de son avenir prometteur de développement en tous genres et de partage équitable.
Tolomsè CAMARA
Créteil, le 19 novembre 2010

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