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dimanche 9 janvier 2011

L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN GUINÉE : les enseignements et les significations du scrutin du 07 novembre 2010

Il y a un temps pour chaque chose et chaque chose en son temps. Après une campagne électorale éprouvante aussi bien pour les candidats que pour leurs supporters ainsi que pour l’ensemble des acteurs de la vie politique les urnes ont rendu leur verdict.
Les guinéens, de façon claire et sans ambiguïté, ont choisi d’accorder au professeur Alpha CONDÉ, pour un mandat de cinq ans, « le statut de locataire » du palais SÉKHOUTOURÉYA.
Il faut dire que l’élection du professeur Alpha CONDÉ vient en son temps : le peuple de Guinée, longtemps bâillonné et abandonné, a su se défaire de ses entraves pour s’exprimer librement et a su pleinement profiter du contexte favorable de l’environnement international qui désormais tient pour structurante l’expression libre des peuples. D’où l’accompagnement et l’intérêt attentif dont il a bénéficié de la part de la communauté internationale tout au long du processus électoral. Toutes choses inenvisageables à l’occasion des deux premiers scrutins, organisés respectivement en 1993 et 1998, auxquels le président de la république, élu le 07 juin 2010, avait participé sans succès.
Les électeurs Guinéens qui se sont exprimés le 07 novembre 2010, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, ont été 57% à se déplacer pour accomplir leur devoir électoral et ont été un peu plus de 52% à accorder leur confiance au professeur Alpha CONDÉ pour diriger le pays pendant la période concernée.
L’ampleur massive, en valeur absolue, de ces scores sonne, comme un rappel, de deux enseignements majeurs et semble revêtir plusieurs significations qui méritent, les uns et les autres d’être relevés ici.
I – LES ENSEIGNEMENTS MAJEURS DU SCRUTIN

Le fonctionnement d’une démocratie est régit par des lois très simples, parmi lesquelles le vote et la prééminence de la voix de la majorité exprimée, étant entendu que le contexte socio culturel et économique est, sous peine de compromettre gravement la cohésion nationale, déterminant dans toute démocratie
Le premier enseignement est que, en politique les automatismes de l’arithmétique ne fonctionnent pas toujours : longtemps, les partisans du candidat de L’UFDG ont considéré que le ralliement des deux candidats, à leur champion, venus respectivement en troisième et cinquième position au premier tour de l’élection présidentielle du 27 juin 2010, suffisait à leur fortune. C’est que, assurément, ils ont perdu de vue les capacités de mobilisation et les aptitudes de conviction ainsi que les talents politiques du candidat Alpha CONDÉ. Cette méprise témoigne de l’amateurisme des intéressés, car l’histoire nous enseigne que la politique, au sens de la gestion de la chose publique, est non pas un jeu mais une activité, à part entière, qui requiert des compétences appropriées.
Le second enseignement est que rien ne peut résister à la volonté souveraine d’un peuple : l’alternance qui, dans un système démocratique n’est ni obligatoire, ni automatique et qui lorsqu’elle n’est pas prescrite par une disposition législative ou réglementaire, peut se produire dès lors qu’elle est le résultat d’un vote libre et organisé dans des conditions de transparence acceptables. C’est une contribution significative du peuple de Guinée à la doctrine en la matière.
II – LES SIGNIFICATIONS MAJEURES DU SCRUTINLe scrutin du 07 novembre 2010 est d’abord un hommage rendu à une ténacité inaccessible au découragement et à une fidélité sans faille aux valeurs éthiques pour incarner le long combat d’un peuple déterminé à construire et à assumer son destin.
Au-delà de cet hommage, deux significations, également, majeures paraissent s’attacher au choix qui à été fait par les guinéens le 07 novembre 2010. Ce sont :
2- 1- L’affirmation d’une maturité politique certaine.
A tous ceux qui se posent la question de savoir si le peuple de Guinée est mûre pour la démocratie, la discipline et le calme qui ont été observés pendant le scrutin du 07 novembre 2010, ainsi que l’attitude positive prise par les candidats en face et surtout l’acceptation des résultats proclamés par le perdant constituent une réponse claire et nette à leur interrogation.
Ces attitudes et postures ne sont pas le fruit du hasard. Car du 13ème siècle à la fin du 19ème siècle, la Guinée a eu le privilège d’abriter la capitale de la plupart des grands empires de l’Afrique de l’Ouest.
Naturellement, le peuple guinéen a largement tiré profit de cette situation : d’une part, pour se construire une identité culturelle forte de laquelle dépendent la maîtrise de l’avenir, sa capacité à surmonter les crises dans la solidarité et la cohésion sociale ; d’autre part, pour s’imprégner et s’enraciner dans les valeurs fondamentales de liberté, de souveraineté et de défense de l’intégrité du territoire.
C’est sans doute ce passé historique prestigieux qui a permis à la Guinée d’être aux avants postes du combat panafricaniste.
En dépit de la diversité des perceptions (diversité liée aux conditions de sa naissance) dont il est l’objet, le panafricanisme prône la fraternité et la solidarité entre les peuples noirs. Il a inspiré la création de la FEANF et autres fédérations d’étudiants. De la même manière, il a justifié l’afflux et l’acceptation par la Guinée de cadres africains pour pourvoir les postes restés vacants par le départ brutal du personnel de l’ancienne puissance coloniale. Qui ne se souvient pas que les plus célèbres ministres et président de l’Assemblée nationale furent en Guinée, respectivement un béninois (en la personne de Monsieur Louis Sinaïnom BEHANZIN) et un Gabonais (en la personne de Monsieur Léon MAKA).
C’est sans doute cette histoire récente qui a inspiré les autorités de la transition pour faire un appel salutaire à un général malien, en l’occurrence Toumani SANGARE, spécialisé dans la conduite des élections libres et transparentes, pour diriger la CENI pendant le moments les plus critiques du processus électoral et l’acceptation de ce dernier par les guinéens les plus imprégnés de cette histoire.
C’est le lieu de noter que l’un des objectifs du panafricanisme est en dernier ressort la constitution des ETATS-UNIS D’AFRIQUE. Cela implique, à l’heure de la mondialisation et des grands ensembles économiques et politiques, l’abandon par chaque miniscule pays que constituent actuellement nos Etats respectifs, de la souveraineté nationale au profit de cet ensemble.
Malgré les nombreuses insatisfactions qu’ils ont ressenties tout le long du processus électoral, les guinéens ont encore, une fois de plus, répondu au même appel en affirmant leur haute maturité politique face aux mirages de l’abondance.
On ne peut pas comprendre un pays sans son armée. En effet, la pratique de la fraternité et de la solidarité par la Guinée est, également, passée par son armée. Après avoir participé aux côtés des colonies concernées à plusieurs luttes de libération nationale, elle répond à chaque appel d’opération de maintien de la paix, en particulier dans la sous région de l’Afrique de l’Ouest. C’est dire que l’armée guinéenne a la caractéristique d’être une partie intégrante du peuple de Guinée. Sa réforme en cours, rendue nécessaire par ses évolutions récentes, va s’en doute lui permettre de revenir aux missions de défense du territoire et des institutions républicaines, tout en participant, aux cotés des populations, aux activités productives, notamment, dans le secteur rural et dans celui des infrastructures. La qualité de ces interventions en ces domaines peut d’ores et déjà être inscrite au titre des acquis historiques parce que constituant l’un des fondements de la fierté du pays tout en entier.
Le temps de la campagne électorale est terminé et, compte tenu du précipice abyssal dans lequel elle se trouve, la Guinée ne peut plus se permettre une nouvelle crise politique, sans saper durablement toutes les valeurs sur lesquelles elle est fondée. Le pays ne peut être laissé non plus sans perspective et les guinéens ont le droit de voir émerger la société nouvelle qui est leur grande espérance.
C’est pourquoi, le forum « vérités et Réconciliation » dont la ténue est souhaitable avant l’organisation des prochaines élections législatives, doit conduire à dissiper les nombreux malentendus nés, surtout pendant le processus électoral, autour de l’unité nationale et du fonctionnement des institutions.
Cette démarche événementielle pourrait être complétée par des réponses institutionnelles, à savoir : la création, à l’instar du conseil économique et social, de deux organes consultatifs. Leur but est de travailler, pour le premier à la consolidation de l’unité nationale, et pour le second, à l’ancrage des acquis de la culture républicaine dans le paysage politique du pays. Ils peuvent prendre la dénomination de conférence permanente respectivement des régions et des institutions républicaines pour souligner que leur objet respectif s’inscrit dans le cadre d’un processus continu. Il s’agit pour ce type d’entités de se pencher, notamment, sur l’identification, chacun dans son domaine, des problèmes dits conjoncturels et ceux dits structurels ainsi qu’au tri des valeurs culturelles se rapportant à leur objet et susceptible de constituer un apport significatif à la solution des questions traitées. Lieux d’échanges, l’étendue de leur intervention doit les conduire à formuler des critiques et suggestions susceptibles d’aider, le travail de l’exécutif, et le moment venu, celui du législateur.
A problème spécifique, solution spécifique. Les préconisations faites ici relèvent de cette logique, c’est pourquoi leur mise en œuvre sera du ressort d’une réelle volonté politique.
Assurément, la Guinée se fera ou ne se fera pas, mais pas en l’absence des guinéens et de leur participation effective, car si chacun se met à faire ses propres règles, tout ce dérègle.
2-2 - La confirmation de leurs aspirations profondes et légitimes au changement. Par leur choix du 07 novembre 2010, les guinéens ont à nouveau renouvelé leur rêve d’un changement de société qu’ils ont longtemps caressé, mais jamais satisfait sous les régimes précédents.
Il y a un temps pour tout et l’heure est maintenant de se réunir autour de ce que le peuple désigne comme essentiel : ramener la Guinée aux guinéens et améner la Guinée dans le peloton de tête des pays émergeants. Aucun sacrifice n’est suffisant pour atteindre ce double objectif qui dépasse les dimensions individuelles et transcende les considérations d’un parti. Ce changement se décline en termes de construction d’un Etat de droit fonctionnant suivant les règles démocratiques et dans le respect des principes républicains. Le changement à opérer devra être en ces matières, ce que sont les avantages comparatifs en matière économique, c'est-à-dire des lieux d’excellence parmi les nations émergentes.
Transformer ce rêve en projet auquel adhère l’ensemble des guinéens pour sa réalisation est l’enjeu majeur de la nouvelle période de cinq années de gouvernance qui s’ouvre. Il faut dire, que l’adhésion à un projet (condition sine qua non pour sa réussite) dépend du mode de gestion qui lui est appliqué et de la qualité des hommes appelés pour le piloter.
Du mode de gestion : mise en œuvre de l’autonomie et de la responsabilité Après avoir affirmé dans son premier message de vœux à la nation, du 31 décembre 2010, qu’il s’emploierait avec l’aide des guinéens « à construire un avenir meilleur pour chacun des fils et filles de notre pays », le président Alpha CONDÉ relève aussitôt que « malgré la volonté qui m’anime, je ne pourrai le faire seul ».
Il ne peut en être autrement, car un seul homme ne peut à lui seul diriger un grand pays comme la Guinée. Cet appel au concours pour construire le pays nécessite de mettre en œuvre un mode de gestion qui privilégie l’autonomie et la responsabilité, aussi bien dans ses relations avec les cadres qui sont aux commandes du pays, que dans la définition des modalités de fonctionnement des structures de l’État. La décentralisation, telle qu’elle est conçue, procède sans doute de cette approche méthodologique qui est en cohérence avec les mécanismes choisis pour servir de cadre au développement économique, social et culturel de la Guinée.
Il est vrai que responsabiliser les hommes et susciter leur autonomie et celle des structures constituent un choix pertinent.
Plus précisément, les nombreux défis auxquels la guinée doit faire face requièrent, pour la mise en oeuvre des vastes et complexes programmes pour les relever, la responsabilité et l’autonomie.
Le sens de la responsabilité commande de ne mettre en avant ni sa personne, ni ses intérêts ; de son côté, l’autonomie suggère, notamment, le sens de l’initiative et l’esprit de créativité pour répondre aux nombreuses attentes des populations guinéennes dans le domaine économique et social. Un tel dispositif doit conduire à une meilleure qualification des hommes, des structures et des méthodes de travail.

C’est dans le cadre de ce mode de direction que le dispositif prévu de lutte contre l’impunité trouvera toute sa place.
De la qualité des hommes : la professionnalisation du recrutementIl n’est pas inutile de rappeler ici le constat généralement fait que depuis son accession à l’indépendance, la Guinée souffre d’une gestion chaotique de ses ressources matérielles et humaines. Cette grave carence qui a entraîné le pays dans un précipice abyssal explique sur les plans moral et éthique, de la gestion des biens publics et communs, de la qualité de l’éducation et des perspectives pour les jeunes, de la prise en charge quantitative et qualitative des soins de santé et de l’allocation des ressources, provenant en général de l’aide extérieure, aux secteurs productifs, notamment, agricole.
L’élite est généralement désignée comme ayant une grande part de responsabilité dans cette mal gouvernance politique, économique et sociale. C’est que, pour des motifs divers, les hommes qui ont été appelés aux responsabilités avaient rarement, par leur formation et leur parcours, le profil du poste qui leur avait été confié, transformant l’administration de direction en un vaste centre d’apprentissage et éloignant davantage celle-ci des administrés.
Pour renverser cette tendance et mettre fin à tous les niveaux aux décisions de nomination inadaptées, le temps est venu aujourd’hui de professionnaliser le recrutement
Sur la base d’un cahier de charges, définissant le but et les objectifs intermédiaires visés dans la gestion de tel département ou secteur et les principes suivants lesquels la gestion visée sera assurée, il s’agit de confier à des professionnels extérieurs le recrutement d’une certaine catégorie de personnel, notamment celui appelé à des fonctions de gestion des ressources, du financement de l’économie et de contrôle dans ces différents secteurs.
De tels professionnels peuvent aider à définir les tâches et les responsabilités liées à chaque fonction concernée. Dans leur processus de sélection, ils prennent en charge la vérification des références des postulants et la motivation de ces derniers. ils apprécient, également, l’adéquation des compétences de chacun, c'est-à-dire le savoir, le savoir être et le savoir faire de chaque postulant, au profil du poste.
Il nous semble que cette démarche doit présider l’ensemble du processus de recrutement du personnel administratif concerné. Les exigences du peuple étant nombreuses, son attente et son espoir étant immenses, le pouvoir exécutif y a intérêt puis qu’il le met à l’abri des pressions de toutes sortes et lui permet d’appeler au sommet intermédiaire de l’Etat des personnes dont les qualifications leur permettent d’apporter à l’exercice de leur fonction une certaine valeur ajoutée et de mettre en œuvre d’une gestion saine et efficiente.
Dans un contexte où l’heure est à la compétence et à l’honnêteté et où il ne doit plus avoir de place à l’improvisation et aux malversations, la professionnalisation du recrutement du personnel de l’Etat par son caractère, ouvert et transparent, peut, sans nul doute, apaiser les suspicions de népotisme, de clientélisme et de favoritisme.
Paris le 03 janvier 2010
Mamadou N’DIAYE
Cadre Dirigeant de Banque
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