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jeudi 2 décembre 2010

Alpha Condé, l'utopie réaliste d'un Guinéen

Dans son livre d'entretien, « Un Africain engagé - ce que je veux pour la Guinée », publié aux éditions Jean Picollec en juin dernier, quelques semaines avant le premier tour des élections présidentielles, l'opposant historique Alpha Condé présente son itinéraire politique, sa vision et son programme politique.
Né en 1938 à Boké , en Basse Guinée, d'ethnie malinké, Alpha Condé rejoint le lycée Gambetta de Toulouse, après son premier cycle secondaire au séminaire du collège des Pères, en Guinée. Étudiant engagé, il fréquente à Toulouse la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF), avant de rejoindre la ville de Louviers, dont le maire est Pierre-Mendès-France, le leader du Parti radical, qui sera par ailleurs son correspondant. La première partie du baccalauréat en poche, Alpha Condé monte à Paris.
Parmi les facteurs déclencheurs de son engagement politique, on peut citer la loi-cadre de 1956 ou « Loi Deferre ». Il faut noter que « la lutte pour la conquête de l'indépendance politique et la réalisation de la patrie africaine » faisait partie des idées défendues par le FEANF. Le jeune étudiant fait la connaissance du président guinéen Sékou Touré, « attentif à ses idées » et aux « informations » qu'il lui rapporte de Paris. Ayant mesuré le risque de ce rapprochement, Alpha Condé s'en éloignera.
En 1964, il prend la direction du FEANF, ce qui lui permettra « de tisser un réseau d'amitié qui (lui) est encore précieux aujourd'hui dans (son) combat politique », avoue-t-il.
Avocat, universitaire, hommes d'affaires, exilé pendant trente ans pour ses idées, condamné à mort par contumace, emprisonné de décembre 1998 à mai 2001, Alpha Condé a connu nombre d'épreuves qui lui auront permis de forger son caractère pour proposer une autre trajectoire, un autre destin à la Guinée, le premier pays indépendant d'Afrique francophone.
Mais c'est son poste à la direction Afrique du groupe « Sucres et Denrées », qui lui donne les moyens de créer son parti politique, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), dont le mot d'ordre était « le départ du pouvoir en place et l'instauration de la démocratie ».
Alpha Condé rappelle le contexte politique dans lequel il présente sa candidature à la présidence suprême : les mouvements de grève de janvier 2007, le décès en décembre 2008 du président Lansana Conté, suivi ipso facto par la prise de pouvoir du capitaine Dadis Camara et la mise en place du Conseil national pour la démocratie et le développement ; les massacres au stade de Conakry, perpétrés par les militaires de Dadis Camara, le 29 septembre 2009 ; la tentative d'assassinat sur la personne de Dadis Camara, le 3 décembre 2009 et son remplacement par le général Sékouba Konaté, chargé d'assurer l'intérim des derniers mois de transition, dans le respect des Accords de Ouagadougou, avec la médiation du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré.
Pour la première fois, la Guinée va connaître des élections dans des conditions de légalité démocratique et de transparence. Alpha Condé fait part de sa détermination à libérer son peuple de la dictature, soucieux de rétablir la démocratie dans ce « château d'eau d'Afrique, riche en ressources naturelles, mais où il n'y a ni école, ni route, ni même de tissu économique », convaincu que « la démocratie est une question de volonté », seule voie royale pour accompagner le peuple guinéen vers « l'émancipation et le progrès économique et social ».
Alpha Condé mesure bien la profondeur du désastre politique, psychologique et économique de la Guinée et résume la réussite de son projet politique en trois mots : « volonté, imagination et dignité », accordant une place prépondérante aux institutions, à l'éducation, à la santé.
Sa victoire, le 7 novembre 2010, sera saluée par les Guinéens, l'Afrique et la communauté internationale. Ce « Mandela d'Afrique subsaharienne » a immédiatement appelé à la constitution d'un gouvernement d'union nationale et s'est donné cent jours pour pour mettre en place les changements auxquels les Guinéens ont droit, ont tant réclamé et pour lesquels ils l'ont élu : La bonne bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté, le développement des infrastructures, l'expansion économique et la sécurité.
Éternel apprenant, Alpha Condé incarne mieux que tous les autres Africains le métissage dont l'Afrique a besoin pour se bâtir. Né en Afrique, études en occident, va-et-vient permanent dans les cinq continents, frottement avec tous les peuples et toutes les cultures, le nouveau président guinéen doit servir d'exemple pour qui veut aller plus loin... Il donne espoir et pousse à méditer sur le fait qu'une utopie peut se réaliser, sans compromission, grâce à la persévérance et à l'espérance.
Noël Ndong
International Bulletin

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